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Interruption de grossesse – Révision du code pénal
Exposé du Professeur Peter Albrecht, Président du tribunal pénal, Bâle
La situation juridique de l'interruption de grossesse est actuellement marquée par un immense fossé entre la loi et la réalité. Alors que le code pénal n'autorise l'interruption de grossesse que pour des indications médicales strictes, la pratique s'est fortement libéralisée au cours des dernières décennies, se distançant de plus en plus de la loi. Les sanctions pénales n'ont pas été appliquées depuis de nombreuses années et le Conseil fédéral a constaté que la société actuelle ne souhaite manifestement plus appliquer la loi en vigueur. De tels écarts sont dès lors difficilement justifiables dans un Etat de droit : ils nuisent à la fonction préventive de la loi. En outre, cela crée une situation juridique peu claire, pouvant amener à des applications de la loi inégales, voire arbitraires. C'est pour ces raisons qu'une révision est indispensable.
Le point de départ de la révision est basé sur le constat général (à
l'étranger aussi) que le nombre d'interruptions de grossesse est
largement indépendant de la législation en vigueur. En Suisse, malgré
une tendance plus libérale, les interruptions de grossesse ont diminué
au cours des vingt dernières années. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant vu
la symbiose extraordinaire entre la femme enceinte et l'embryon. Aussi,
la femme considère-t-elle la décision d'interrompre sa grossesse comme
une affaire profondément personnelle touchant directement sa sphère
privée. C'est un domaine qui échappe totalement à l'effet préventif du
droit pénal. Une protection efficace de la vie prénatale ne peut être
obtenue qu'avec le concours de la femme enceinte et non pas contre sa
volonté. Si l'Etat se veut influent, il doit plutôt donner la priorité à
des mesures sociales, comme l'éducation sexuelle, le planning familial,
l'entretien de conseil, l'accompagnement et le soutien financier.
En tenant compte des ces expériences, le Parlement s'est prononcé pour
un régime du délai, c'est-à-dire pour un concept qui limite le rôle du
droit pénal au profit de mesures de protection plus efficaces telles que
le conseil et l'assistance. La décision concernant une interruption de
grossesse durant les 12 premières semaines est réservée à la femme
concernée. En respectant sa décision, le régime du délai facilite à la
femme l'accès à une consultation qui doit lui être offerte. Une telle
reconnaissance juridique du droit de la femme à une décision autonome ne
peut que renforcer sa responsabilité et sert ainsi (aussi) à protéger la
vie prénatale. Une femme bien conseillée ne prendra pas la décision
d'interrompre une grossesse à la légère.
Avec raison, le Parlement a renoncé à rendre obligatoire la visite auprès d'un centre de consultation avant que l'interruption de grossesse soit autorisée. Par contre, il est important de garantir l'accès facultatif à des services de consultation qualifiés. De plus, il appartient au corps médical d'informer la patiente sur les conséquences possibles d'une IVG et de lui signaler les centres de consultation qui sont à sa disposition. Il serait inutile et intolérable pour toutes les personnes concernées d'inscrire une obligation de consulter dans la loi, cela nuirait à la qualité de la consultation, la transformant en une mise sous tutelle, voire une brimade. De plus, il est injustifiable d'obliger une femme à consulter sous la menace de suites pénales, alors qu'elle a d'ores et déjà pris sa décision. Le simple fait de ne pas consulter un centre reconnu par l'Etat ne peut pas justifier des sanctions pénales. De telles sanctions contrediraient le principe de la proportionnalité.